De manière régulière, le débat sur l’allocation universelle revient via un média ou l’autre. Certains partis en ont fait leur fonds de commerce. Le plus souvent, des partis qui passent leur temps à déforcer la Sécu… mais malheureusement, ce ne sont pas exclusivement les partis de droite qui sont attirés par la discussion sur le revenu universel. Certains profs d’université sont intéressés également par ce sujet.
C’est quoi le principe de base de l’allocation universelle ?
L’idée semble attrayante : chacun reçoit un montant déterminé sans devoir faire quoi que ce soit pour l’obtenir. Il s’agit d’un revenu individuel, universel et inconditionnel. Principe mis en avant : l’égalité !
Juste un truc contraire aux principes de la Sécu basé, où chacun contribue selon ses moyens et reçoit selon ses besoins. En d’autres termes, les salaires les plus élevés contribuent sans plafond au financement de la Sécu mais reçoivent des prestations plafonnées. Le corollaire, pour ceux qui gagnent le moins, les prestations minimums existent aussi. Une solidarité interpersonnelle et intergénérationnelle. Nous avons en fait déjà dans notre pays un système bien plus fort et surtout plus juste : notre sécurité sociale. Le SETCa plaide dès lors pour un renforcement de la sécurité sociale et pas pour l’allocation universelle.
Bête question : le revenu universel, qui va payer et comment ? Et est-ce que c’est cher ?
Il ne s’agit pas d’une bête question… Le système ne peut exister que s’il est finançable et ne plonge personne dans la précarité. Reste seulement à savoir comment nous allons le financer.
La Sécu, éternelle désargentée… Question de choix politique
Il est vrai que la Sécurité sociale, au départ financée par les cotisations salariales employeur et travailleur, est de plus en plus mise sous pression parce qu’insuffisamment financée. Entre les réductions de cotisations ONSS et le tax shift, c’est un véritable hold-up sur le financement qui est réalisé. A contrario, les besoins en Sécu augmentent. Par exemple, la crise de la covid aura amené son lot d’augmentations de dépenses, tant au niveau du chômage temporaire qu’au niveau des soins de santé. C’est donc d’un financement digne de ce nom dont la Sécu a besoin pour garder un vrai caractère assurantiel (comme par exemple, garder le revenu le plus proche de celui perdu en cas de chômage ou de maladie, avoir un remboursement maximal des traitements médicaux), et pas un simple filet de sécurité minimaliste quand le risque de la vie survient.
La prudence est de mise
L’idée de l’allocation universelle gagne en popularité ces dernières années. D’une part, la sécurité sociale fait l’objet de critiques, car trop tatillonne, trop complexe, quelque fois insuffisante voire inefficace. D’autre part, la numérisation ferait disparaître de plus en plus d’emplois. Rien ne permet de dire clairement à quoi ressemblerait une telle allocation universelle ni, surtout, comment nous la financerions. Parlerait-on de € 500, ou de € 1000 ? Qui y aura droit ? Sera-t-elle imposable ? Les modalités pratiques se font souvent attendre.
Si l’on prend une allocation universelle de € 1.100 (juste au-dessus du seuil de pauvreté), cela représente un coût de € 118 milliards. À titre de comparaison, le coût total de toutes les dépenses sociales en Belgique – pension, maladie, chômage et enseignement compris – s’élève à € 119 milliards, donc impayable sauf à supprimer le budget de la sécurité sociale. Seule une allocation universelle dérisoire serait « payable ». Elle précipiterait néanmoins les allocataires sociaux vers la pauvreté et être malade serait un luxe impayable. Le SETCa appelle dès lors à la prudence. N’oublions pas non plus que nos soins de santé font partie de la sécurité sociale.
Un modèle taille unique ?
L’allocation universelle ne tient pas compte des différents besoins. Peu importe si vous êtes malade, vieux ou un parent isolé. C’est une solution « taille unique » pour tous et ce, sous prétexte d’égalité. Cela contraste fortement avec la sécurité sociale et l’assistance sociale. La sécurité sociale assure un risque social (comme le chômage ou la maladie), l’assistance sociale procure, elle, un revenu lorsque l’on n’a plus de moyens d’existence (conditionné et forfaitaire). L’allocation universelle balaie complètement le caractère assurantiel de la table.
Les logiques de la sécu et d’une allocation universelle sont fondamentalement différentes. La Sécu assure un taux de remplacement proportionnel au droit perdu (allocation de chômage, pension ou indemnité de maladie) de manière solidaire (les plus riches assurent des minima aux plus pauvres) et intergénérationnelle. L’allocation universelle s’avérerait finalement plus chère que le système actuel et nous y perdrions au change.
En 2017, l’OCDE a fait une simulation pour quatre pays : la France, la Finlande, le Royaume-Uni et l’Italie. L’organisation est partie d’une introduction neutre sur le plan budgétaire qui permettrait à l’âge actif le remplacement des allocations par une allocation universelle. Le résultat désenchante. En Finlande, les adultes recevraient € 527 par mois et seulement € 456 par mois en France (nota bene : imposables). Pour couronner le tout, le risque de pauvreté augmenterait. Une introduction neutre sur le plan budgétaire mène donc inévitablement à un mini-revenu néolibéral : un montant bas qui pousse encore plus les plus pauvres sous le seuil de pauvreté.
L’impact sur le marché du travail est lui aussi une inconnue, étant donné qu’il n’y a que peu voire pas d’exemples réels. Pourrait-on refuser plus facilement des emplois non attirants ou serait-ce précisément l’inverse ? L’effet sur la négociation salariale pourrait également être désastreux…
Renforcer la sécurité sociale
Contrairement à l’allocation universelle, notre sécurité sociale est solidaire. Les épaules les plus larges supportent les charges les plus lourdes. Le SETCa plaide dès lors pour un renforcement, une plus grande lisibilité. Ceci englobe :
- Une individualisation des droits
- Un meilleur financement : plus de cadeaux aux employeurs sans création d’emplois
- Une réponse à des besoins qui changent
- Des services publics accessibles et abordables
- Une redistribution du travail à travers une réduction collective du temps de travail.
Voilà l’avenir. Assez ironiquement, ce débat s’enflamme à nouveau pendant les négociations à propos de l’accord interprofessionnel (AIP). Si le salaire minimum s’élevait par exemple au moins à € 14/heure bruts (€ 2.300 bruts par mois) et si l’on pouvait négocier librement, l’idée de l’allocation universelle serait dépassée depuis longtemps. Dans le contexte belge, ce n’est dès lors rien de plus qu’une opération populiste pour réaliser des économies.