Deal pour l’emploi?

Deal pour l’emploi du gouvernement Vivaldi :

UN MARCHE DU TRAVAIL A DEUX VITESSES ?

Le gouvernement fédéral a présenté mardi (15/02) son « deal pour l’emploi ». Son objectif est de créer un marché du travail plus flexible, où vie professionnelle et vie privée sont mieux conciliées et où davantage de personnes peuvent travailler. Les travailleurs de plate-forme bénéficieraient d’une meilleure protection sociale. UN regret : toutes ces matières relèvent de la concertation sociale et les organisations syndicales ont été mise à l’écart des discussions. Côté patronal, il est clair que leurs voix ont été entendues. Preuve en est sur l’e-commerce. Que contient l’accord et que devez-vous savoir ? Nous passons en revue les principales mesures.

Journées de travail plus longues, semaine de travail plus courte

La mesure qui a sans doute attiré le plus l’attention est l’idée de pouvoir effectuer une semaine de travail à temps plein sur 4 jours. Les travailleurs peuvent prester volontairement un maximum de 9,5 heures par jour (10 heures avec l’accord des syndicats) et avoir ainsi un jour libre supplémentaire. Le régime peut également varier d’une semaine à l’autre, en travaillant plus une semaine et moins la suivante, par exemple dans les situations de garde alternée.

Nous sommes heureux que le Gouvernement reconnaisse que la combinaison vie professionnelle-vie privée est un défi pour beaucoup de gens. C’est la raison pour laquelle le SETCa et la FGTB réclament depuis longtemps une réduction collective du temps de travail pour tous. 32h/semaine, avec embauche compensatoire comme norme de travail à temps plein. Cette mesure créerait également de l’emploi … un voeu partagé par le gouvernement. Il y a 100 ans, nous avons lutté pour la journée de travail de 8 heures et l’avons obtenue.

Avec 4 jours à 9,5h, le gouvernement nous contraint à abandonner ce principe et revenons en quelque sorte en arrière.

L’idée d’un jour « libre» en plus peut sembler tentante pour certains travailleurs. La question est toutefois de savoir si tous ceux qui le souhaitent pourront le faire. Il faut en effet l’accord de l’employeur. Ce sera difficile à imposer dans les entreprises sans syndicats. Quelle sera la monnaie d’échange à consentir pour obtenir le sésame des 4jours/semaine ? Ce serait un progrès si les personnes qui travaillent encore 6 jours par semaine aujourd ‘hui (car il y en a) pouvaient passer à 5 jours, ou si les travailleurs à temps partiel pouvaient effectuer leur travail sur 4 jours. De cela, il n’est pas question, malheureusement, il n’y a pas le moindre mot sur les travailleurs à temps partiel dans tout l’accord. Dans notre pays, énormément de femmes travaillent à temps partiel. C’est parfois involontaire, parfois délibéré, précisément pour permettre de combiner vie professionnelle et vie privée. Nous craignons donc qu’en pratique, les femmes puissent nettement moins recourir à cette « flexibilité ».

Le travail de nuit dans le commerce électronique : un dangereux précédent

La deuxième mesure qu’exhibe le Gouvernement est de rendre possible le travail de nuit (entre 20h et minuit) dans le cadre de l’e-commerce. Étrange, puisque c’est déjà possible depuis 2015. De nombreux accords offrant un équilibre pour travailleurs et employeurs ont déjà été discutés et signés, tant dans la logistique que dans le commerce de détail. Toujours après une concertation sociale appropriée, où les avantages et les inconvénients sont équilibrés. La proposition du Gouvernement bouleverse cet équilibre et crée une dérégulation imposée.

Désormais, la signature d’un seul syndicat suffirait en effet. La modification du règlement de travail sera alors automatique sur les horaires ! C’est de loin la mesure la plus dangereuse de l’accord. Le Gouvernement diminue ce faisant le rôle des conseils d’entreprise, étant donné que cela se règle normalement par une modification du règlement de travail, en concertation avec les syndicats, donc. Cette étape est complètement ignorée. Pire, sans concertation syndicale, votre employeur peut organiser du travail de nuit pendant 18 mois comme « projet pilote », avec des travailleurs volontaires. On évaluera après avec les syndicats ! L’intention semble surtout être l’organisation de travail de nuit bon marché sur le modèle de PostNL :

des emplois temporaires précaires dans lesquels des gens qui n’ont pas d’autre choix sont exploités et traités comme des produits jetables. Cet assouplissement met la concertation sociale dans les entreprises hors-jeu. Cela constitue un précédent dangereux. Les droits fondamentaux sont mis à mal. Aujourd’hui, c ‘est le travail de nuit, quelle sera la prochaine étape ?

Le droit à la déconnection

Par le biais d’accords au niveau de l’entreprise, les travailleurs « reçoivent » désormais le droit de ne pas avoir à répondre aux questions ou appels téléphoniques de leur employeur en dehors des heures de travail. En tant que syndicat, nous soutenons évidemment le droit à la déconnection. Ce droit existe toutefois déjà depuis 1971 à travers la loi réglementant le temps de travail et prévoyant aussi l’enregistrement du temps. Souligner ce droit est une bonne chose, mais cela devrait en principe être superflu. La question est surtout : pourquoi les gens travaillent-ils après leurs heures ? La charge de travail est-elle trop élevée ? C’est de cela qu’il faut parler. Ce sont des questions traitées dans la concertation sociale au niveau de l’entreprise. Le Gouvernement envoie aussi un signal étrange en n’appliquant pas le droit à la déconnection aux travailleurs d’une entreprise occupant moins de 20 personnes. Le message est-il dès lors qu’il n’y a pas de limites au travail pour les PME ?

La formation : indispensable pour tous

À partir de cette année, chaque travailleur a droit à au moins 3 jours de formation par an. Ce nombre passera à 4 en 2023 et à 5 en 2024. Chaque entreprise doit établir un plan de formation individuel pour son travailleur. Le droit à une formation plus individuelle pour un travailleur est une revendication que nous posons déjà depuis longtemps comme syndicat. Malgré cela, nous constatons ici de nouveau que les entreprises occupant moins de 20 personnes restent sur le carreau. Cela pose problème dans un pays de PME comme la Belgique. Bien sûr, nous applaudissons la reconnaissance de l’importance de la formation, mais faites en sorte que cela s’applique à tous.

Changer d’emploi plus rapidement : un beau cadeau pour l’employeur

Dans le contexte d’un marché du travail « flexible », il devient également plus facile de changer rapidement d’emploi. Après un licenciement, les travailleurs pourront passer chez un autre employeur pendant leur délai de préavis. Cela semble à nouveau très prometteur, mais ce n’est guère profitable aux travailleurs. C’est l’employeur qui fera des économies car il ne devra plus respecter les délais et indemnités de préavis. Cela ne crée pas non plus d’emplois supplémentaires.

Une autre mesure a également été remise sur table le fameux « article 39 ter» de la loi sur le contrat de travail qui permet de transformer en outplacement une partie de votre préavis … un dossier dangereux sur lequel nous resterons vigilants une fois les textes finaux enfin connus.

Conclusion: votre représentation syndicale fait la différence

Le deal contenait encore d’autres mesures et nous n’avons pas encore tout dit. Nous attendons également les textes définitifs pour voir s’ils ne nous réservent pas d’autres mauvaises surprises. Pour certains, il s’agit d’un bon accord, mais il y a certainement aussi de nombreux travailleurs pour qui cet accord ne changera rien. Nous sommes heureux que le Gouvernement reconnaisse la nécessité d’une meilleure harmonisation entre travail et vie privée et que les employeurs devront également s’adapter. Les syndicats mettent ce point depuis longtemps déjà à l’ordre du jour. Si vous creusez un peu plus, vous remarquerez rapidement que ce n’est pas le seul but des mesures proposées.

Cet accord a ceci d’étrange que d’une part, il ne s’applique qu’aux entreprises occupant plus de 20 travailleurs (où les syndicats sont donc souvent présents), mais aussi et surtout que, d’autre part, les syndicats sont mis hors-jeu en ce qui concerne le travail de nuit dans l’e-commerce.

C’est précisément la seule mesure de l’accord qui était déjà possible depuis un certain temps.

Celui qui travaille dans une entreprise de moins de 20 travailleurs (et il y en a beaucoup en Belgique) n’a apparemment pas droit aux mesures que le Gouvernement considère comme très importantes pour les travailleurs de plus grandes entreprises.

Cela prouve une fois de plus l’importance d’avoir des syndicats forts. Un travailleur sans syndicat dépend à cet égard complètement du bon vouloir de l’employeur.

Le SETCa continue dès lors de lutter pour une meilleure représentation, y compris dans les petites entreprises. Cela fait bel et bien une différence pour les travailleurs. Si une mesure est nécessaire pour les travailleurs, elle doit également s’appliquer à tous les travailleurs.

Ensemble. on est plus forts