Horizon Belgique 2030 :
LES RÊVES DE LA FEB, LES CAUCHEMARS DES TRAVAILLEURS.
Début mai, les employeurs se sont rassemblés à Bruxelles lors d’un forum organisé par la FEB afin de présenter leur plan « Horizon Belgique 2030 ». Celui-ci décrit leur analyse et leur vision en tant qu’entrepreneurs pour « un avenir meilleur pour la Belgique ». Un catalogue des horreurs quand on parle de droits des travailleurs, des services publics ou encore des allocataires sociaux.Capitalisme, flexibilité, employabilité, individualisation maximale et musellement des organisations syndicales … Quel programme!
Ce fameux plan se targue de pointer les pistes pouvant permettre d’assurer la croissance, la compétitivité et la prospérité économique de notre pays. Vaste projet. Il relève quatre défis majeurs auxquels le monde patronal veut apporter quatre solutions qui sont présentées comme autant de révolutions :
1. Ralentissement de la croissance et de la productivité
=> Digitalisation de l’économie
2. Changement climatique
=> verdissement de l’économie
3. Vieillissement de la population et dépenses publiques
=> marché du travail et sécurité sociale
4. Tendance à la démondialisation et ses conséquences sur l’économie belge
=> simplification et efficacité des pouvoirs publics
Nous avons parcouru en détail le contenu de ce texte et notamment le chapitre intitulé « la révolution dans le marché du travail et le secteur public ». La vision de la FEB est claire : traiter le pays comme une société commerciale à rentabiliser absolument! En faire l’un des meilleurs élèves européens. Au passage, si la démocratie en prend un coup, si la concertation sociale aussi, si les pouvoirs publics sont écornés, pas grave, seul le résultat compte! L’économique, lisez : le fric!
Certes, le monde est à un tournant, la transition climatique, la (l ‘in)dépendance sur des besoins essentiels à des pays non démocratiques, le vieillissement sont des défis. Nous ne pouvons néanmoins souscrire à ce que la FEB propose.
Au menu de la FEB, des conditions de travail et de rémunération tirées vers le bas, le musellement de la concertation sociale, de nouvelles attaques à l’encontre de notre système de sécurité sociale et un affaiblissement de nos services publics.
En 7 points, que contient exactement le plan de la FEB ?
- Augmenter le taux d’emploi à 80%, pour cela, tous les moyens sont bons pour y arriver!
- Suppression de l’indexation salariale.
- Fiscalité simplifiée : lire « moins de fiscalité ».
- Méthode de« travail» nouvelle : lisez «flexibilité et individualisation de la relation de travail ».
- Remise en cause des pensions légale et assimilations : le travail doit être valorisé!
- Nouveau modèle de concertation sociale : lisez « remise en cause des organisations syndicales» : moins de collectif, plus d’individuel, moins de protection de nos représentants et personnalité juridique pour les syndicats. Bref, une remise en cause claire des libertés syndicales.
- Des services publics performants : lisez «gérés comme le privé », c’est-à-dire non pas avec un service au public mais avec des règles de rentabilité qui comprimeront les missions des services publics.
Voyons un peu plus en profondeur …
En matière de marché du travail
Celui-ci serait trop fermé à cause de législations sociales trop rigides, de coûts salariaux exorbitants et de régimes de fin de carrière qui incitent à partir plus tôt.
Leurs propositions :
- Accentuer le contrôle des demandeurs d ’emploi.
- Suppression de l’indexation automatique des salaires en lien avec la disparition de la loi de 1996.
- Diminution des cotisations versées par les employeurs de 25% à 20%.
- Réduire la fiscalité sur le travail afin d’encourager celui-ci .
- Suppression des législations obsolètes telles que la loi de 1971 sur la durée du temps de travail afin de favoriser de nouveaux modes de travail plus flexibles et mieux adaptés à la réalité économique.
- Révision des pensions afin d’avoir un système identique pour tous (salariés, services publics, indépendants) – retour de la pension à points – encouragement des 2e et 3e piliers – diminution des périodes assimilées dans le calcul de la pension.
- Nouveau modèle de concertation en limitant le rôle des syndicats, en leur donnant une personnalité juridique et en favorisant l’individualisation des relations de travail – simplification également des CE/CPPT et des protections contre le licenciement.
Notre analyse: Les différentes propositions vont clairement dans le sens d’une diminution de l’encadrement collectif des conditions de travail et de rémunération en parallèle avec une attaque en règle des syndicats.
En matière de sécurité sociale
- Diminution des cotisations versées par les employeurs de 25% à 20% -+ moindre financement de la sécurité sociale. Rappelons que les cotisations sont déjà passées de 33% à 25% sous le gouvernement Michel.
Cette diminution du financement doit être compensée. Citons :
- Accentuation du contrôle de la disponibilité des demandeurs d’emploi.
- Remise au travail des malades de longue durée.
- Révision des pensions afin d’avoir un système identique pour tous.
- Retour de la pension à points.
- Encouragement des 2e et 3e piliers.
- Diminution des périodes assimilées dans le calcul de la pension.
Notre analyse: Les différentes propositions entraînent une diminution drastique du financement et donc de nouvelles mesures d’économie dans les dépenses avec une sécurité sociale de plus en plus conditionnée et de moins en moins universelle.
Propositions de la FEB en matière de services publics
- Assainissement des finances publiques à travers des économies budgétaires.
- Identifier les tâches essentielles et favoriser celles qui amènent un potentiel de croissance.
- Favoriser les partenariats public/privé.
- Détricoter le statut des agents de la fonction publique – recours à l’externalisation et à l’intérim.
- Lier la rémunération à la performance.
Notre analyse : dans notre conception syndicale, les services publics sont avant tout au service de la population et sont le moteur principal de la répartition des richesses, via une fiscalité progressive. En effet, ce sont les plus précarisés qui ont le plus besoin de transports en commun efficaces, de l’école gratuite ou encore d’une justice accessible à tous.
Dans la vision de la FEB, les dépenses publiques ne devraient plus être décidées qu’en fonction de critères économiques. Dans ce contexte, le patronat propose même des grilles d’analyse et des législations simplifiées et« clé sur porte ».
Nous sommes convaincus que l’avenir doit au contraire passer par:
- La promotion de l’emploi via la construction collective des conditions de travail et de rémunération à travers une présence syndicale forte dans les entreprises/institutions, afin de lutter contre l’arbitraire patronal.
- Avoir des syndicats libres, forts, c’est assurer la démocratie dans les entreprises, briser la logique du « chacun pour soi» et du « marche ou crève ».
- Le défi de la digitalisation peut et doit passer par la réduction collective du temps de travail avec maintien du salaire et embauche compensatoire.
- Ce ne sont ni les chômeurs ni les malades qu’il faut activer, ce sont les conditions de travail qu’il faut améliorer : rendre les salaires attractifs € 14/h minimum pour tous/€ 2300 bruts/mois, ce sont les conditions de travail qui doivent être supportables. Il faut s’attaquer aux causes des maladies, c ‘est-à-dire les conditions de travail, et pas aux malades!
- Une sécurité sociale forte et bien financée, renforcée face aux nouveaux défis comme le vieillissement, afin de permettre à tout un chacun de bénéficier d’une vie digne! Répondre aux nouveaux besoins des travailleurs en début et en fin de vie! Donc pas de nouvelle diminution de cotisations ONSS. Pour rappel, on cherche encore un réel financement alternatif au tax-shift. Tax-shift qui coûte à lui tout seul plus cher que le défi du vieillissement!
- Des services publics de qualité, financés par une fiscalité progressive, moteur de redistribution des richesses.