COURRIER ADRESSE A
MONSIEUR LE MINISTRE FRANK VANDENBROUCKE,
MESDAMES ET MESSIEURS LES REPRESENTANTS DES EMPLOYEURS,
MESDAMES ET MESSIEURS LES EMPLOYEURS,
15 mois de crise COVID ont épuisé les travailleurs du secteur et particulièrement les soignants, Tous les signaux sont au rouge mais pas le rouge de la solidarité !
Nous pensions que malgré les conditions particulièrement difficiles de gestion d’une crise nous allions pouvoir maintenant avancer sur le bon chemin car les travailleurs étaient entendus : 1 milliard 2 millions débloqués pour le fonds des blouses blanches et un nouvel accord social, un dialogue constant avec le cabinet du Ministre, les moyens du FBB inscrits dans la Loi, un engagement à activer en tripartite une TASK force pénurie, une volonté de répondre au défi des spécialisations ……
Des CCT ou AR sont adoptés :
- Une CCT ouvre enfin le droit à 3 semaines de congé et 3 we de libre
- Une CCT permet la mise en place d’une équipe mobile hors soins
- Une CCT cadre l’implémentation d’Ific 100% dès le 1er juillet 2021 (ce qui représente une augmentation de la masse salariale de 500 millions par année).
Concernant le Fonds des blouses blanches : nous avons obtenu que
- Les moyens non consommés du Fond des blouses blanches en 2020 et 2021 restent dans l’institution pour permettre notamment de renforcer les équipes épuisées par 15 mois de crise …
- Le renforcement des équipes par un 1 infirmier dès 2021 en sortant l’infirmier chef de la norme.
- L’entrée en formation infirmière ou aide-soignant de presque 300 personnes
Nous sommes conscients que nous n’allons pas recruter tous les infirmiers nécessaires vu la pénurie mais les moyens sont là pour soulager les équipes et diminuer l’intensité du travail des infirmiers en les libérant de tâches non spécifiques à l’art infirmier.
En théorie, nous pouvons avancer !
Mais en pratique, cela ne se passe pas comme nous l’avons espéré.
L’intensité du travail augmente sans cesse car à côté des patients Covid, il faut rattraper le retard de l’activité hospitalière. Les motifs évoqués sont la santé des patients mais aussi la santé financière des hôpitaux.
Le turn-over des patients s’accélère et dans certaines unités, le nombre de lits augmentent. Les lits ne sont évidemment pas le problème mais l’insuffisance de moyens humains au regard des lits. Un lit c’est une capacité d’activité mais c’est avant tout une obligation de garantir au chevet du patient la présence continue et en suffisance de personnel qualifié afin que soient prodigués au patient des soins de qualité et en sécurité
Le discours de certaines directions est : tant que le fil tient, on continue. Au-delà de la violence des mots, c’est de l’irresponsabilité.
Les constats font pourtant l’unanimité :
Pénurie sévère au niveau infirmier ou soignant, augmentation de l’absentéisme liée à la maladie du personnel, augmentation des burnout déclarés (majoration du risque des burnout portée à 68% post 1ère vague …..
Les soignants ont donné au-delà du possible mais ils ne sont ni invincibles, ni héroïques : ils sont épuisés. Et aujourd’hui, ce qu’on leur annonce est : pas de moyen pour des engagements même de jobistes cet été, mobilité et mutualisation dans les futurs réseaux …
Pour solutionner la problématique du financement et équilibrer les finances de l’hôpital, nous sommes depuis de nombreuses années enfermés dans la course folle de l’augmentation de l’activité. Cette course à l’activité a impacté gravement les charges de travail et le sens humain du travail. Nous sommes dans une spirale sans fin où pénurie, épuisement, augmentation de l’activité, réduction de la durée d’hospitalisation et augmentation du turn-over aggravent la situation de départ. Cette solution tout à l’augmentation de l’activité finalement ne marche pas car elle détruit un des piliers de l’activité : les ressources en personnel qualifié.
Une infirmière nous écrit : Le covid n’a donc ouvert les yeux à personne, il aura juste crevé les nôtres à force de voir des horreurs ?
Nous devons d’urgence prendre les mesures fortes qui permettent aux travailleurs présents de rester sur le terrain car la relève n’arrivera pas avant plusieurs années. Relève qu’il ne faut pas décourager car comment m’engager dans une telle formation si je m’attends à des conditions de travail qui vont impacter ma santé physique et mentale.
Aujourd’hui, il est grand temps d’ôter des seules épaules des soignants la responsabilité de la santé publique. N’oublions pas que chaque travailleur qui quitte le secteur est définitivement perdu pour la profession !
Nous demandons :
- La garantie pour les soignants de bénéficier de congé en suffisance cet été : il est inimaginable qu’après autant d’effort tout ne soit pas mis en œuvre pour qu’ils se reposent tout en rendant le travail tenable sur le terrain : nous exigeons de l’embauche !
- L’adaptation de l’activité aux ressources disponibles en personnel qualifié : envisager si nécessaire la fermeture temporaire de lits !
- La mise en œuvre sans délai de la Task force pénurie : état des lieux, plan d’action pluriannuel avec perspectives de solutions alternatives à court et moyens termes !
A défaut, cette spirale infernale perdura. Sans perspective, le personnel quittera de plus en plus vite le secteur et de moins en moins de candidats se formeront. Ce n’est la volonté ni des interlocuteurs sociaux, ni du Ministre.
Nous restons disponibles pour envisager toutes les solutions possibles
Jan Piet Bauwens et Nathalie Lionnet.