L’Arizona et moi : argumentaire
25/03/2025
Difficile de passer à côté des mauvaises nouvelles que nous apporte le Gouvernement Arizona. Un cactus qui pique fort et empoisonne notre socle de solidarité ! Un véritable hold-up sur notre bien commun. Pas de nouvelles taxes qu’ils disaient. Ce qu’ils vont nous enlever, nous coûtera bien davantage et risque de diviser encore plus les citoyens et les citoyennes à l’avenir. Il nous faut retrouver le chemin de la solidarité. Car c’est ensemble que nous sommes plus fort·e·s ! Concrètement, quelles sont les incidences de cet accord sur mon quotidien ? Que savons-nous aujourd’hui ?
Votre salaire
L’évolution de votre rémunération est principalement liée à deux paramètres dans le secteur Non Marchand : l’indexation des salaires et la conclusion d’accords sociaux avec octroi d’un budget pour pouvoir signer des conventions collectives de travail sectorielles.
L’indexation des salaires
Dans votre secteur, grâce aux conventions collectives sectorielles que nous avons négociées, lorsqu’il y a dépassement de l’indice pivot, l’indexation des salaires se fait automatiquement un ou deux mois après. C’est grâce à ce mécanisme d’indexation que vous avez pu bénéficier de plusieurs augmentations d’environ 2% de la rémunération durant une année, comme ça a été le cas en 2022 avec l’explosion des prix de l’énergie (presque 12%). Avec l’évolution des rémunérations qui sont soumises aux cotisations sociales, c’est aussi le budget de la sécurité sociale qui augmente.
Dans l’accord Arizona, la discussion est renvoyée vers les interlocuteurs sociaux afin qu’ils trouvent un compromis d’ici fin 2026. Sinon, le Gouvernement fédéral tranchera. Nous savons que les employeurs veulent mettre fin à l’indexation. La marge de négociation est mince. Nous pourrions nous attendre à une modification du mécanisme d’indexation : une indexation une seule fois dans l’année ou la modification de la méthode de calcul qui rendrait l’indexation automatique des salaires moins fréquente et l’écart salaires/évolution des prix plus important.
Si vous ne bénéficiez pas d’une valorisation salariale, l’indexation sera peut-être votre seule opportunité de voir votre rémunération évoluer ces prochaines années.
La valorisation salariale
Cela peut prêter à sourire : dans le secteur Non Marchand, nous marchons beaucoup ! Quand ? Lors d’actions pour revendiquer des meilleures conditions de travail auprès des différents Gouvernements. Ces derniers proposent rarement d’initiative les moyens pour les améliorer. Plusieurs accords sociaux sont à négocier, car chaque secteur est sous la compétence d’un niveau de pouvoir différent (fédéral, régions, communautés). C’est ainsi qu’à chaque législature, nous devons négocier des accords sociaux pour obtenir des budgets, notamment pour augmenter les rémunérations. Cependant, il est devenu quasi impossible d’harmoniser les salaires sur base des barèmes des soins de santé fédéraux (IFIC), pour certains secteurs régionalisés ou de la Fédération Wallonie-Bruxelles (accueil de l’enfance, aide à la jeunesse, socio-culturel). L’écart entre les rémunérations entre secteurs se creuse avec la réforme de l’Etat.
Avec le contexte politique actuel, nous n’avons à ce jour aucune nouvelle sur des budgets pour négocier de futurs accords sociaux entre interlocuteurs sociaux des différents secteurs, notamment en Région wallonne et en Fédération Wallonie Bruxelles.
Dans l’accord fédéral Arizona, il est indiqué que le Gouvernement se concentrera sur une politique de rétention des soignants, en plus d’augmenter l’attractivité de la profession, en particulier pour le personnel infirmier. Nous nous en réjouissons pour les infirmiers. Mais qu’en est-il des conditions de travail de tous les travailleurs des secteurs de soins de santé fédéraux ? Le « prendre soin » des citoyens et citoyennes est l’histoire d’un travail interdisciplinaire !
Oui, mais la mesure fiscalité sur les rémunérations ?
L’accord fédéral Arizona prévoit à partir de 2026, une adaptation de la fiscalité pour les plus bas salaires via un relèvement de la quotité exemptée d’impôt, la suppression progressive de la cotisation spéciale pour la sécurité sociale et le renforcement du bonus à l’emploi social.
Cette adaptation de la fiscalité manque de clarté à ce jour et pourrait représenter un coût élevé, si elle s’applique à tous les salaires quels que soient leurs montants, au détriment de la sécurité sociale (moins de cotisations). Les services du secteur Non marchand, tout comme les services publics, vont payer l’addition, étant donné leur dépendance aux budgets de la sécurité sociale. Cela risque d’amplifier la commercialisation et de diminuer l’investissement dans le secteur ; comme c’est déjà le cas depuis ces dernières années, avec toutes les dérives que nous connaissons.
La conciliation de votre vie privée et votre vie professionnelle
Notre dernier Congrès sectoriel Non Marchand avait pour thème le temps/la charge de travail, tant c’est un enjeu important pour les travailleurs du secteur. Ils ont dû mal à tenir le coup durant toute une carrière. Ils diminuent leur temps de travail en perdant du salaire pour faire face à la pénibilité du métier ou occupent des temps partiels quand l’employeur ne leur propose rien d’autre. Ils peinent à suivre les rythmes de travail, la flexibilité demandée et à concilier vie privée/vie professionnelle.
Nous avons signé plusieurs conventions collectives de travail pour endiguer ces exigences qui rendent de plus en plus pénibles les métiers du Non Marchand.
Les mesures de l’accord Arizona ajoutent de la pression sur les travailleurs en place et offrent moins d’opportunités pour celles et ceux qui recherchent des emplois de qualité. Pourquoi ?
Annualisation du temps de travail et flexibilité au travail
Un nouveau cadre légal sera introduit avant le 30 juin 2025 permettant l’annualisation du temps de travail pour les travailleurs à temps plein et à temps partiel, moyennant un accord individuel. L’annualisation du temps de travail implique de regarder sur une période de référence d’un an si la durée moyenne hebdomadaire du travail a été respectée. Tous les horaires applicables ne devraient plus être inclus dans le règlement de travail à condition que les limites de la flexibilité y soient clairement définies. Ce qui implique que des dépassements durant une période déterminée de l’année peuvent être compensés en travaillant moins durant une autre période de l’année. Du coup, il y a moins de possibilités de prester des heures supplémentaires (avec le sursalaire qui est lié).
Dans le secteur des soins de santé fédéraux (hôpitaux par exemple), il sera prévu la défiscalisation des heures supplémentaires. Un incitant à en faire plus ? Nous sommes inquiets par rapport à la pression au travail que cela va engendrer. De nouveaux emplois ne seront pas créés pour compenser la charge de travail. La pression au travail augmentera sur les travailleurs en place. Dans ce secteur des soins de santé, des conventions collectives de travail pour stabiliser les horaires ont été signées pour encadrer la flexibilité déjà très forte. Cela signifie-t-il la fin des équilibres trouvés dans les conventions collectives de travail du secteur ?
Dans d’autres secteurs, nous remarquons que les exigences de flexibilité augmentent également, que ce soit dans l’aide à domicile, l’accueil de l’enfance, … Pourtant, le principal atout d’attractivité de ces secteurs largement féminisés, était de permettre la conciliation vie privée et vie professionnelle.
Les régimes dérogatoires introduits dans des services vitaux deviennent la norme. Il est difficile de croire que cette flexibilité sur un an du temps de travail sera appliqué avec libre choix du travailleur entre repos compensatoire et paiement des heures supplémentaires, surtout dans les institutions sans représentation syndicale.
Temps partiels
Depuis plusieurs années, nous luttons pour permettre aux travailleurs d’obtenir des contrats à temps plein pour ceux qui le souhaitent ! Or, pour des raisons de flexibilité exigée par l’employeur, de nombreux travailleurs sont bloqués à mi-temps. Ainsi, durant les moments plus chargés de la journée, ces travailleurs peuvent être sollicités.
Avec l’accord Arizona, des contrats à temps partiels pourront être conclus à moins d’un tiers d’un contrat à temps plein. Des travailleurs seront amenés à combiner 3 contrats à temps partiels différents ou plus pour obtenir un revenu décent, mais aussi pour se constituer des droits pour la fin de carrière/la pension. Or, avec la suppression de l’obligation d’inclure les horaires dans le règlement de travail, cela rendra la tâche d’autant plus compliquée pour combiner plusieurs contrats.
Dans un secteur essentiellement féminin, la peine sera lourde. Beaucoup de femmes travaillent à temps partiel, notamment pour prendre en charge les soins de leurs enfants ou d’autres personnes dépendantes.
Dans un contexte où on appauvrit l’offre en services publics ou Non Marchand
Cet accord Arizona ne ménage pas les parents, et plus particulièrement les femmes ! Les exigences de flexibilité, d’années de carrière, … ne tiennent pas compte des réalités sociologiques. L’offre en services aux publics ne suit pas les besoins ou est inaccessible pour des citoyens (secteurs des personnes âgées, du handicap, de la santé mentale, de l’accueil de l’enfance, …). Or, cette charge liée à l’aide ou aux soins aux proches, retombe très souvent sur les épaules des femmes. Prenons le secteur de l’accueil de l’enfance qui fera l’objet de nouvelles réformes. Depuis plusieurs années, nous défendons un réel investissement dans le secteur de l’accueil de l’enfance, afin que l’offre soit suffisante, accessible, de qualité pour tous les enfants quel que soit le statut de leurs parents. Il n’est plus à démontrer en quoi tous les lieux d’accueil de l’Enfance (de 0 à 13 ans), en accueil collectif, à domicile, en ATL (Accueil Temps Libre) sont des lieux d’émancipation pour les enfants. Les 1000 premiers jours de l’Enfant sont déterminants et sacrés pour leur développement : premier lieu de socialisation, d’apprentissage collectif, de jeu en collectivité ; c’est là que tout se dessine pour l’avenir d’un jeune. Investir dans le secteur, c’est se doter d’un levier efficace de lutte contre la pauvreté, c’est construire les bases solides d’une société inclusive. Le secteur remplit des fonctions sanitaire et économique, et assume un rôle éducatif et social primordial !
Cependant, nous craignons que cela n’aille pas dans le sens que nous attendons. Dans les déclarations politiques, l’accueil de l’enfance va être uniquement pensé comme levier pour permettre aux femmes d’aller travailler. Il va falloir faire mieux dans une enveloppe fermée, alors que le secteur tire la sonnette d’alarme depuis des années sur le manque de moyens, sur les conditions d’exercice de travail des accueillant·e·s d’enfants, à la limite des conditions de sécurité ! L’accueil de l’enfance risque de ne plus rencontrer ces fondamentaux construits sur base des besoins de l’enfant, et ne viser que la mise à l’emploi des citoyens, avec toutes les dérives possibles : crèches d’entreprise permettant une flexibilité accrue et comme levier à une fidélisation du personnel, offre de « gardes » d’enfants plutôt qu’un accueil centré sur les besoins de l’enfant, …
Comment les parents pourraient confier leurs enfants si l’accueil de l’enfance ne rencontre pas les fondamentaux, à savoir que chaque enfant a des Droits dans la société, et une place centrale au cœur de celle-ci (Art.22bis de la Constitution) ?
Travail de nuit et dimanche
L’accord Arizona prévoit de supprimer l’interdiction du travail de nuit, le jour de fermeture obligatoire et d’assouplir les heures d’ouverture. Le travail de nuit ne débutera qu’à minuit (au lieu de 20 heures). Actuellement, ça ne viserait « que » les secteurs de la distribution et les secteurs connexes. Les primes existantes telles que définies dans les conventions collectives de travail de divers secteurs continueront à s’appliquer. Nous revendiquerons les détails de la mesure pour en connaître l’impact sur le secteur. Mais nous ne pouvons anticiper quelles seront les réactions des employeurs quand un boulevard de flexibilité leur sera offert. Vont-ils demander de l’élargir à d’autres secteurs ? Comment défendre ou obtenir la revalorisation des heures inconfortables si l’accord Arizona normalise le travail du week-end et jusqu’à minuit ?
Le prêt de personnel et le travail intérimaire
Les possibilités de “prêt de personnel” vont être élargies. La base légale qui va être prise comme point de départ est le travail intérimaire. Il est par ailleurs demandé aux interlocuteurs sociaux de mettre en pratique le travail intérimaire à durée indéterminée. Lorsque des intérimaires travaillent dans le secteur Non marchand, la qualité de la prise en charge est menacée, par manque de cohésion dans l’équipe, par manque de connaissance des situations, … Amplifier le recours aux travailleurs intérimaires ne sera pas confortable, ni pour les intérimaires, ni pour les collègues, ni pour le public aidé, soigné, accompagné. Dans certains secteurs, nous avions mis en place des projets d’équipes volantes pour combler, remplacer les collèges absents, avec les conditions de travail du secteur. Qu’en sera-t-il demain ?
Dans les groupes hospitaliers ou des maisons de repos (et de soins), le lieu de travail est un élément important de la conciliation vie privée/vie professionnelle. Comment garantir aux travailleurs la stabilité du lieu de travail dans un paysage de plus en plus multisites et dans un contexte de pénurie ?
Les flexijobs
Lorsque la législation sur les flexijobs a été lancée, il avait été garanti que ça ne serait applicable que pour le secteur sportif en Flandre. Depuis, ce dispositif s’est élargi à d’autres secteurs. Avec l’accord de l’Arizona, il sera possible dans tous les secteurs, dans des entreprises liées et pour les travailleurs à temps plein. Des travailleurs seront tentés de compléter leur travail par un flexijob pour joindre les deux bouts. Une opportunité de plus pour les employeurs pour ne pas augmenter le temps de travail de celles et ceux qui le demandent, de rendre encore plus flexible le travail, et de créer de l’emploi à un tarif fiscal avantageux. Et à nouveau, des moyens en moins pour la sécurité sociale.
Votre retour au travail pendant ou après une maladie
Près de 500.000 personnes étaient considérées comme malades de longue durée, en 2022. Un nombre important dans lequel les femmes sont surreprésentées : 59% des malades de longue durée toutes causes confondues sont des femmes. Ce chiffre grimpe à 69% lorsqu’il s’agit de burnout ou de dépression. Et cette hausse de la proportion de femmes parmi les malades de longue durée se poursuit d’année en année.
L’accord du gouvernement axe d’abord sa politique sur le plein emploi et notamment par le retour au travail, particulièrement celui des malades de longue durée. La volonté de ce gouvernement est d’augmenter le taux d’emploi en Belgique pour atteindre 80 % d’ici à 2029. Le message du gouvernement est le suivant : « Nous rendons le choix d’un travail rémunéré suffisamment rémunérateur, y compris pour les malades de longue durée ».
Dans les faits, leur volonté est de remettre les malades de longue durée au travail, car, comme les chômeurs, ils ne représentent rien d’autre qu’un coût. En l’occurrence, la politique de réintégration ne se fera pas sur base d’une approche essentiellement médicale, mais sur une approche axée sur le marché de l’emploi via les services régionaux de l’emploi. Or, forcer ainsi une personne malade à reprendre le travail à tout prix n’aura comme conséquence que d’aggraver sa maladie.
La vision à propos des travailleurs malades est alors claire : des sanctions, moins de pension pour les travailleurs en incapacité, et ce, alors que le nombre de malades ne fera qu’augmenter en raison du durcissement des mesures de fin de carrière, de la dégradation des conditions de travail et de l’augmentation de la charge de travail. La chasse aux malades semble ouverte.
L’aspect préventif disparaît au profit de mécanisme de contrôle
Le conseiller en prévention-médecin du travail devra désormais entreprendre une action après un mois d’absence pour chaque travailleur absent, allant de l’envoi d’informations à l’invitation à une entrevue. Avant, cette intervention se faisait après quatre mois d’incapacité pour informer sur les possibilités pour reprendre le travail. L’objectif de ce contact était simplement de fournir des informations et non contrôler la légitimité de l’état de santé du travailleur. Ce changement impose une pression administrative inutile sur ces médecins pour contrôler les travailleurs malades. L’aspect préventif est ici complètement négligé au profit d’un mécanisme de contrôle, alors même que le rôle préventif de la médecine du travail devrait être central dans l’accompagnement des travailleurs. De plus, cette nouvelle règle n’est pas réaliste, puisqu’elle ne tient pas en compte de la pénurie aiguë de médecins du travail en Belgique.
Encore de nouveaux changements pour le trajet de réintégration…
Le changement le plus important du trajet de réintégration tient dans l’évaluation du « potentiel de travail ». Qu’est-ce que cela implique ? Votre employeur sera tenu de vous faire évaluer après huit semaines par le service de prévention externe d’incapacité de travail, et ce, pour le cas échéant entamer un processus de réintégration. Pour les institutions de plus de 20 ETP, une sanction est également prévue si un processus de réintégration n’est pas entamé pour les personnes ayant un potentiel de travail dans les six mois suivant le début de la maladie.
Un trajet de réintégration après un jour de maladie ? Dorénavant, là où la période obligatoire d’attente était de trois mois, l’employeur pourra demander, avec l’accord du travailleur, le début du trajet de réintégration après un jour de maladie. Là où il s’agissait uniquement par le passé d’une demande à l’initiative du travailleur.
Force majeure médicale ? Le délai se voit raccourci. Le licenciement pour force majeure médicale pourra être appliqué après six mois au lieu de neuf mois, ce qui représente un énorme pas en arrière. Un délai raccourci pour la procédure de force majeure médicale aura un impact négatif sur la motivation de l’employeur à chercher un travail adapté ou autres possibilités. Cette mesure, au lieu de permettre l’adaptation du poste ou du temps de travail du salarié, incite à appliquer la force majeure. L’accord fédéral ne prévoit aucune obligation ferme à l’employeur pour garantir cette adaptation, alors qu’elle est bien souvent essentielle pour permettre un retour sur le lieu de travail et dans les meilleures conditions. Par ailleurs, lorsqu’il y a adaptation du poste, il conviendrait d’éviter une double peine pour le travailleur malade, souvent pénalisé financièrement par son changement de fonction. Un maintien du salaire de l’ancienne fonction devrait, dans ce cas, être prévu.
Plateforme TRIO ? Plus de confusion dans les rôles des médecins et des services régionaux de l’emploi !
Qu’est-ce que la plateforme TRIO ? C’est une plateforme de communication sécurisée qui facilite les échanges entre médecins, visant à améliorer le suivi et l’accompagnement des personnes en incapacité de travail dans leur trajet de réintégration.
Dans la pratique, cela signifie que le médecin traitant transmettra, après un mois d’incapacité, le certificat via la plateforme TRIO au conseiller en prévention-médecin du travail, au médecin-conseil. Cela leur permettra d’obtenir rapidement des informations sur l’incapacité et la nature du problème de santé et devrait permettre ainsi une intervention plus rapide. Cela doit se faire avec l’accord du travailleur, mais il est davantage mis sous pression pour accepter dès l’instant où le médecin traitant “doit” transmettre le certificat médical.
Dans cette note, nous constatons que les rôles des différents médecins impliqués dans le trajet de réintégration se chevauchent. Dorénavant, l’autorisation du médecin traitant ou du médecin du travail est équivalente à celle du médecin-conseil, pour permettre au travailleur de reprendre le travail. Ceci est difficilement compatible avec l’indépendance du médecin du travail et la pénurie actuelle de médecins du travail/médecins traitants.
Les médecins traitants auront également la possibilité d’évaluer un travail adapté ou différent lors de la rédaction ou de la prolongation du certificat médical ou d’un certificat d’incapacité de travail. À cette fin, dans certains cas, le certificat médical est transformé en un certificat d’aptitude dans lequel le médecin peut, de manière facultative, indiquer ce que le travailleur malade peut encore faire pendant la période de maladie. Or, le médecin traitant ignore souvent les possibilités d’un travail adapté ou différent, car c’est le médecin du travail qui joue un rôle central pour tout ce qui a trait au contexte de l’entreprise.
Une collaboration accrue avec les services régionaux de l’emploi ? Le médecin du travail et le service de prévention se voient attribuer un rôle plus important en vue d’une orientation structurelle vers les services pour l’emploi régionaux marché de l’emploi (VDAB, le Forem et Actiris), qui pourront avoir accès à la « plateforme TRIO » du médecin traitant, du médecin-conseil et du médecin du travail à cette fin. Leur donner accès à la plateforme TRIO est problématique, car les informations médicales ne devraient jamais être partagées qu’avec des médecins tenus au secret médical.
Toujours plus de sanctions
Les sanctions seront à nouveau renforcées. Aujourd’hui, une absence sans motif valable peut déjà entraîner la perte de l’allocation. Des sanctions existent déjà pour le refus de réponse à la convocation d’un médecin-conseil ou d’un coordinateur Retour Au Travail.
De nouvelles sanctions font leur apparition et celles déjà existantes se trouvent renforcées :
- Une réduction de l’indemnité de 10 % pour les personnes qui ne respectent pas leurs obligations administratives,
- La suspension du droit aux indemnités/salaire garanti pour le travailleur en cas d’absence sans justification valable à une convocation d’un médecin.
- Une sanction de 10 % sera appliquée sur l’indemnité.
Nous sommes bien entendu opposés aux sanctions contre les travailleurs malades. Nous tenons à souligner qu’il n’existe aucune preuve que les sanctions actuellement en place favorisent une réintégration durable et efficace des malades de longue durée. Nous réaffirmons notre préférence pour une véritable politique de prévention et de bien-être au travail, plutôt que pour des mécanismes punitifs.
En plus des sanctions à l’encontre des travailleurs malades, de nouvelles mesures sont également mises en place contre les médecins « complaisants », c’est-à-dire ceux qui prescrivent des périodes d’incapacité excessivement longues ou fréquentes. Ces médecins seront suivis, pris en charge et tenus responsables financièrement de leurs pratiques de prescription.
Votre fin de carrière
Des années que nous revendiquons des conditions de fins de carrière et d’accès à la pension adaptées pour les métiers pénibles du secteur Non Marchand.
Emploi fin de carrière
L’accès à l’emploi fin de carrière (crédit temps)
La condition de carrière pour ouvrir le droit à un emploi fin de carrière passe de 25 à 35 ans. L’emploi fin de carrière ne pourra être pris qu’à partir de 55 ans, si le travailleur a presté au moins 30 années de passé professionnel (au moins 156 jours de travail par an). Cependant, tous les jours assimilés seront exclus, rendant plus compliqué l’atteinte des 156 jours de travail par an (surtout pour les femmes, les temps partiels, …). Cette exigence de passé professionnel augmentera graduellement à minimum 35 années d’ici 2030. À ce jour, nous ne connaissons pas les modalités et/ou les conditions d’accès exactes pour pouvoir prétendre à ces emplois fins de carrière.
Le plan tandem
Cela rendra encore moins attractif le plan tandem. Le Plan Tandem est une mesure de fins de carrière qui permet l’octroi d‘une allocation supplémentaire aux travailleurs en fin de carrière qui s’inscrivent dans le crédit-temps mi-temps. Il concerne certains secteurs (handicap et de l’accueil de l’enfance en Région wallonne et en Fédération Wallonie Bruxelles). Le dispositif intègre la mise au travail d’un nouveau travailleur, en remplacement du temps libéré par les travailleurs âgés. Cela a pour effet de garder le volume de l’emploi, de rajeunir les effectifs, d’améliorer la fin de carrière des personnes plus âgées, de les préparer progressivement à la pension, d’alléger les caisses de la sécurité sociale par l’engagement du remplaçant, sans augmentation des budgets publics. Avec les réformes successives sur les emplois fins de carrière, ce dispositif ne tient malheureusement plus la route.
Défendre à tout prix nos acquis sectoriels
Nous nous réjouissons d’avoir pu obtenir la réduction collective du temps de travail en fin de carrière, avec embauche compensatoire et maintien du salaire dans certains secteurs en Région wallonne. Cependant, ces avancées vont à l’encontre de l’esprit de l’accord Arizona. Ce sont les mêmes partis qui sont au pouvoir, que ce soit au niveau régional ou au niveau fédéral. Nous espérons qu’ils ne reviendront pas sur ces acquis lors de l’évaluation des accords non-marchands wallons.
Dans d’autres secteurs, à d’autres niveaux de pouvoir, ce sont les dispenses de prestation au travail qui ont pu être négociées. Nous espérons que ces jours extralégaux pourront néanmoins être pris en compte dans les conditions liées aux années de carrière. Diverses questions auxquelles nous demanderons des réponses.
Votre accès à la pension
C’est sans doute le plus grand carnage de l’accord de l’Arizona. Il faut travailler plus longtemps pour moins de pension. Deux mesures qui touchent les travailleurs du secteur :
- Le durcissement des conditions d’accès pour la pension anticipée
- Moins de droits de pension pour certains profils, en raison d’une diminution des périodes assimilées
Conditions d’accès
Une nouvelle définition est donnée à l’année de carrière : l’année de carrière sera prise en compte à partir de 6 mois prestés (ou assimilés), au lieu de 4 mois actuellement. Les périodes assimilées en dehors des congés pour soins et périodes de maladie sont limités à 20% de la carrière (1/5 ème). Ce durcissement est surtout défavorable pour les femmes, majoritaires dans le secteur Non Marchand. Avec ces mesures, 4 travailleurs sur 10 devront partir plus tard à la retraite, dont 54% des femmes.
Introduction du malus pension
Par ailleurs, l’accord Arizona introduit une nouveauté : le malus pension ! Même si vous remplissez les conditions de la pension anticipée, vous risquez à partir de 2026 de vous voir appliquer un malus pension (= une sanction financière). Si la condition de 35 années avec des prestations effectives à mi-temps au moins et 7020 jours de travail effectifs sur la carrière n’est pas atteinte, le malus pension sera appliqué. Les périodes de maladie dans la carrière ne sont pas prises en compte pour le malus. Ce malus pension est particulièrement néfaste pour les temps partiels qui peuvent très facilement ne pas atteindre ces conditions de carrière. Nous savons aussi que des professionnels, mis sous pression et épuisés par la charge de travail, décrochent et tombent malades durant leur carrière. Ils seront aussi pénalisés par cette mesure.
Suppression de la pension de survie et la pension du conjoint divorcé
Une mesure négative qui impacte à nouveau surtout les femmes.
Nos soins de santé
Des urgences débordées, des personnes traitées à la chaîne, des professionnels qui travaillent jour et nuit sans pause, c’est passionnant dans des séries télés aux USA, mais dans la vraie vie, c’est un cauchemar pour les professionnels, les patients et les familles. Depuis quelques années, notre système des soins de santé régresse, est sous-financé et de moins en moins accessible à tous et toutes. Que propose l’accord Arizona ?
Des mesures positives, ….
Parmi les mesures positives vis-à-vis des citoyens, nous pouvons saluer l’élargissement du régime du tiers-payant, la limitation des suppléments, l’incitation aux prestataires de soins à se conventionner, le renforcement du statut et des droits des aidants proches et l’élargissement du champ d’application du maximum à facturer aux patients psychiatriques de longue durée. Par ailleurs, le quota de médecins et de dentistes va augmenter. Ces mesures ont des impacts positifs sur l’accessibilité aux soins.
Mais un budget des soins de santé qui évolue moins que prévu
Normalement, le budget consacré aux soins de santé évolue pour prendre en compte l’augmentation de la demande avec le vieillissement de la population (la norme de croissance). En 2026 et 2027, ce budget ne va pas évoluer selon les prévisions.
Les firmes pharmaceutiques poursuivent leurs profits sur le dos de la sécurité sociale
Le secteur pharmaceutique ne sera pas fortement responsabilisé dans l’accord Arizona. Solidaris a réalisé une vaste campagne sur les enjeux des prix des médicaments, dont voici un extrait : « En Belgique, la plupart des médicaments sont remboursés par la sécurité sociale. Ce système de remboursement permet de rendre les médicaments accessibles à toutes et tous puisque les patients ne payent directement qu’une petite partie du prix réel du médicament. Les firmes sont entièrement libres de demander le prix qu’elles veulent. Elles refusent de communiquer les coûts de production et les investissements en recherche effectués et profitent souvent de leur monopole de production (les médicaments sont protégés par des brevets) pour exiger des prix totalement déraisonnables. Les marges engrangées par les firmes pharmaceutiques pour la vente de leurs médicaments sont colossales !
Régulièrement, dans le cadre des négociations de prix, les mutualités contestent le prix exigé par les firmes. Dans ce cas, les firmes usent très fréquemment de leur pouvoir (conféré par une loi) de demander de négocier secrètement avec le cabinet du Ministre de la Santé et ainsi s’extraire du modèle de la concertation sociale. Pour mettre la pression, les firmes peuvent alors utiliser tous les arguments qu’elles veulent, y compris le chantage à l’emploi. »
Le budget de l’accord social, inclus dans la norme de croissance
Et enfin, une nouvelle astuce apparaît dans le tableau budgétaire : le budget de l’accord social (négocié sous l’ancienne législature pour améliorer vos conditions de travail) sera repris dans cette norme de croissance et ne fera plus l’objet d’une enveloppe à part.
C’est assez technique, mais en résumé, l’addition de ces mesures réduit le budget des soins de santé.
Comment est-il possible de garantir une qualité des soins et des conditions de travail favorables alors que des moyens suffisants ne seront pas sur la table ? En faisant mieux, avec moins ? C’est le message que nous entendons depuis plusieurs années maintenant, avec les crises successives. Nous avons pourtant alerté qu’il y avait un énorme rattrapage à effectuer. La pression sera davantage mise sur les institutions, qui les répercutera sur les travailleurs, qui de leur côté auront du mal à prendre soin des citoyens avec la qualité attendue.
Évolution des métiers dans le secteur
L’évolution des professions qui se poursuit
Comme vous le savez, une réforme a été entamée lors de la dernière législature dans les professions de soins, avec un glissement des actes entre professions de soins, mais aussi vers des métiers non-soignants. L’accord Arizona annonce poursuivre cette réforme des professions des soins.
Cependant, d’autres professions (aide familial·e, accueillant·e d’enfant, éducateur·ice, …) subissent les conséquences de cette réforme, et devront prester de nouvelles tâches/actes, sans valorisation et sans financement supplémentaire. Des inquiétudes sont présentes aussi bien chez les professionnels du soin qui devront déléguer que chez les professionnels non soignants qui doivent reprendre ces actes soignants. Quelles seront les prochaines étapes ?
Nous revendiquons une meilleure attractivité et de meilleures conditions de travail pour les professions infirmières et soignantes, mais aussi de toutes les autres professions qui voient leurs métiers évoluer. Nous défendons le travail ensemble, dans le respect de l’expertise de chacune des professions, en valorisant tous les travailleurs.
Réforme hospitalière
Services d’urgence et d’hospitalisation de nuit
Le Gouvernement Arizona va-t-il supprimer des services d’urgence et d’hospitalisation de nuit dans un grand nombre d’hôpitaux ? Beaucoup de confusion ces derniers jours sur cette question. Il faut dire que ces dernières années, des hôpitaux sont souvent saturés par des épidémies successives et rencontrent des difficultés financières. Les délais d’attente sont insupportables pour les personnes qui doivent se faire soigner. Les agressions augmentent.
Dans le cadre de cette réforme, les hôpitaux sont tenus de se réorganiser et se rapprocher par bassin de soins. Une réforme à tenir à l’œil pour que la couverture géographique, la prise en compte du caractère rural ou urbain, la proximité des urgences et la non-saturation des urgences soient respectées pour les citoyens. Du côté des professionnels des hôpitaux, nous devrons être attentifs aux conditions d’exercice de leur travail dans le cadre de cette réforme. La gestion de l’agressivité est également un de nos combats phares !
Ce que nous retenons de cet accord Arizona, c’est la responsabilisation individuelle à outrance, au détriment de la solidarité collective et de la cohésion. Chaque individu sera tenu responsable individuellement de sa santé, de son parcours de vie, de son maintien à l’emploi, … comme si des événements extérieurs indépendants de sa volonté, n’existaient pas. Et pourtant, les différentes crises des dernières années nous ont bien appris qu’il était plus que jamais important de préserver ce socle de solidarité !
| Convaincu·e que cela doit bouger ? Rejoignez notre action interprofessionnelle qui aura lieu le 31 mars 2025. Le moment est important. Le mot d’ordre général est la grève ! Vous serez couvert·e par une indemnité de grève en cas d’arrêt de travail la journée du 31 mars 2025. Mais si vous ne pouvez suivre cet arrêt de travail, renseignez-vous auprès de votre section régionale SETCa/BBTK sur des éventuelles actions alternatives.Si vous souhaitez obtenir davantage d’informations sur les modalités de l’action et/ou sur les mesures prises par le Gouvernement fédéral Arizona, n’hésitez pas à contacter vos délégué·e·s syndicaux·ales ou votre section régionale SETCa, dont vous trouverez les coordonnées sur le site SETCa. Nous partageons également des actualités sur notre page Facebook SETCa Non Marchand. |









