
Une démocratie ne peut souffrir de restrictions à ses droits fondamentaux.
14/06/2023
Réunis en Comité fédéral ce 14 juin, deux cents militants du SETCa ont voulu réaffirmer ô combien la défense des libertés syndicales et plus généralement des droits fondamentaux, comme le droit de grève, sont des éléments qui sont les piliers de la démocratie.
Nos libertés, en ce compris syndicales, sont dangereusement mises à mal. Ce n’est pas un fait nouveau. C’est quelque chose que nous dénonçons depuis bien longtemps déjà. Mais ces dernières semaines, les attaques à l’encontre de nos droits fondamentaux, dont le droit de grève, ont dépassé tout entendement. Un point qui pourrait être de non-retour si nous n’agissons pas.
Quelques exemples issus des dernières semaines :
Delhaize : 9.200 travailleurs mis en vitrine, revendus au moins offrant socialement parlant, une construction juridique qui permet d’organiser un dumping social à l’intérieur du secteur. La direction, qui méprise profondément la concertation sociale, n’a pas hésité à casser les piquets de grève en faisant appel à la justice, et a utilisé des bras « armés » comme des huissiers, parfois accompagnés des forces de l’ordre et ce, en recourant à la justice par l’introduction de requêtes unilatérales. Un modus operandi qui est pourtant normalement invoqué en cas d’absolue nécessité. C’est un mécanisme exceptionnel qui méprise l’un des droits fondamentaux reconnu dans tous les pays démocratiques : le principe des droits de la défense. Le recours par le biais d’une requête unilatérale doit donc être utilisé avec parcimonie et les juges ne doivent pas y répondre positivement en traitant cela à la légère. Nous continuons à penser que l’absolue nécessité n’était pas présente sur les piquets de grève Delhaize, et encore moins les voies de fait. La justice s’est pourtant dans un premier temps rangée du côté de la direction, en délivrant des ordonnances restrictives et en limitant à sa plus simple expression le droit de grève.
C’est son principe même qui est aujourd’hui mis en péril. Un droit pourtant fondamental depuis 1866, reconnu par la Charte sociale européenne du Conseil de l’Europe et pour lequel nos ancêtres se sont battus, parfois au péril de leur vie. Rappelons également qu’en 1997, la Cour de cassation a reconnu que le piquet de grève (pour autant que celui-ci soit pacifique) faisait partie intégrante du droit de grève. Ce sont donc des fondements mêmes de notre démocratie qui sont en danger aujourd’hui.
Récemment, nous avons également remporté une petite victoire en Brabant wallon dans le cadre du dossier Delhaize, où le tribunal de première instance a levé l’ordonnance d’interdiction des piquets de grève, reconnaissant que la requête unilatérale utilisée par la direction n’était pas justifiée. Le combat paie !
Malheureusement, judiciariser les conflits collectifs n’est pas la nature des relations sociales en entreprise, nous regrettons de devoir utiliser les mêmes armes que les patrons et de devoir aller devant les tribunaux pour avoir notre dû.
Quand ce n’est pas à l’occasion de conflits collectifs que les attaques sont portées contre les libertés syndicales, c’est individuellement que nos délégués sont attaqués. Mais le combat paie toujours : c’est ce que nous avons vécu dans le cadre du licenciement de notre délégué principal SETCa chez ING, Pascal Breyer. En février, celui-ci était injustement licencié pour faute grave par une direction, qui n’avait pas hésité à consulter illégalement les mails de délégués pour créer un climat de peur. Le SETCa avait lutté avec ferveur et introduit un recours en justice contre ce licenciement, une plainte pénale contre la direction ou encore une plainte pour non-respect du GDPR, c’est-à-dire pour violation de la vie privée en consultant les e-mails et adresses des destinataires de nos newsletters. Comme quoi, trop souvent, pour restreindre le droit à l’expression de nos délégués, les directions bafouent des lois (celle sur le contrat de travail, une directive européenne, la législation sur la vie privée…).
La pression est inouïe ! Le tribunal du travail de Bruxelles a finalement débouté l’employeur sur toute la ligne. Ici encore, lorsque nous dérangeons, lorsque nous contestons l’attitude de la direction, on nous élimine. Chez ING, la direction paiera pour voir partir notre DS, ils ne feront pas appel de la décision du tribunal… Preuve s’il en était que la direction s’est payé l’éviction de notre délégué.
Nous avons tout de suite réagi vigoureusement face à l’attaque de notre délégué et nous continuerons à le faire à l’avenir si d’autres attaques devaient voir le jour. Que ce soit clair : si on touche à l’un de nos délégués, c’est à l’ensemble de notre organisation que l’on touche. Notre réponse sera à la hauteur de l’attaque. Nous unirons toujours nos forces pour lutter contre l’injustice et défendre chaque militant, chaque travailleur.
Ces exemples doivent nous inspirer. Si nous voulons préserver nos droits fondamentaux, nous ne pouvons pas baisser la garde. Nous devons continuer à lutter. Il y va de la survie de nos droits fondamentaux. Il y va de notre survie en tant que syndicalistes.
Le projet de loi « anti-casseurs » du Ministre Van Quickenborne qui est actuellement sur la table du Gouvernement est une autre épée de Damoclès au-dessus de nos têtes. Ce projet de réforme du droit pénal vise une interdiction de manifester qui ciblerait, d’après les dires du Gouvernement, uniquement les « casseurs ». Nous n’y croyons pas. Malgré les amendements apportés entre-temps sur le texte, celui-ci reste encore trop flou et ne met pas les manifestations, les grèves ou encore les manifestations « idéologiques » de tous poils à l’abri de sanctions pénales et d’interdictions de manifester. C’est une nouvelle menace claire à l’encontre de nos libertés syndicales. Avaliser ce projet, c’est ouvrir la porte à de nouvelles dérives inacceptables à l’encontre de nos droits syndicaux. Nous ne l’accepterons pas. Continuons le combat.
Le Comité fédéral veut rappeler que dans moins d’un an, nous irons aux urnes dans les entreprises pour le renouvellement des CE, des CPPT et des DS. Dans un an presque jour pour jour, nous irons également aux urnes pour élire nos futurs gouvernements. Il ne faudra pas s’étonner que certains électeurs aillent vers l’extrême droite tant le sentiment de « tous pourris », du « petit toujours spolié » sera grand. Toucher aux droits fondamentaux comme le droit à l’expression libre (qui plus est lors de manifestations), le droit de grève ou encore le droit à la représentation syndicale, c’est toucher à la démocratie, c’est renforcer les mécanismes d’exclusion, c’est affaiblir les contrepouvoirs démocratiques que sont les syndicats. Il ne faudra
pas se plaindre quand les citoyens iront vers des partis avec des leaders populistes dont le progrès social et les droits fondamentaux ne seront pas la priorité.










